Aux origines de la Guerre de Cents Ans
L'histoire, parfois, prend ses racines dans les événements les plus inattendus. En 1293, une simple querelle entre deux marins, l'un normand et l'autre bayonnais, apparemment anodine à l'époque, va déclencher une série d'événements qui vont conduire à l'un des conflits les plus célèbres de l'histoire médiévale : la Guerre de Cent Ans.
Si chacun sait que la Guerre de Cent ans trouve son origine dans la querelle de succession au trône de France, elle plonge ses racines au sein d'un autre événement en trois actes très éloigné des cours des Capétiens et des Plantagenêts.
Acte I : Un incident isolé
Nous sommes en 1293 lorsqu'entre deux marins, l'un normand, l'autre bayonnais, en viennent aux mains. Malheureusement, cette altercation prend une tournure tragique, coûtant la vie au marin normand. Bien que cela reste un incident isolé, il va mettre en lumière les complications politiques de l'époque. Le duché de Normandie était sous l'autorité du roi de France depuis 1259 (traité de Paris), tandis que celui d'Aquitaine (Guyenne), où se trouvait Bayonne, était gouverné par la couronne d'Angleterre depuis 1154. Une division géographique qui accroît les tensions entre les deux monarchies rivales et qui va jeter les bases de l'affrontement à venir.
Acte II : Parle à ma lige l'Anglois !
Cette querelle de marins provoque très rapidement une escalade de violence de part et d'autre des deux duchés. Des actes de sabotage naval, tels que le sabordage des navires aquitains par les Normands, alimentent les hostilités. Considérant ces actions comme un acte de guerre, le roi d'Angleterre, Édouard Ier, mobilise ses forces navales et se rue sur les navires, drainant dans son sillage de nombreux morts. Averti Philippe le Bel, alors roi de France, tempête face à ce qu'il considère comme une affront et une trahison. Selon la lige, le duché d'Aquitaine est censé être vassal du roi de France, même s'il est gouverné par l'Angleterre. Édouard Ier aurait dû se présenter à sa cour avant d'envisager de telles représailles.
Acte III : la France et l'Angleterre sèment les graines de la Guerre de Cent ans
Convoqué par Philippe le Bel, Édouard Ier refuse de comparaître par deux fois. Quelques mois après cet incident, en 1294, agacé par le mutisme de son rival, le roi de France décide finalement de réagir et fait prononcer la saisie de l'Aquitaine à son profit. Le cliquetis des armes se fait désormais entendre. Les troupes anglaises se retrouvent vite dans une position délicate. Notamment en raison du nombre de belligérants qui se greffent à cette guerre grâce à un jeu d'alliances et qui sont présents sur divers fronts. Affaibli, Édouard Ier est contraint d'accepter une trêve puis de signer un traité à Paris en mai 1303. On lui restitue la Guyenne à condition de reconnaître qu'il n'est que le vassal du roi de France et d'accepter de convoler en justes noces avec Marguerite, la sœur de Philippe le Bel. Parallèlement, on marie son fils, le futur Édouard II, à Isabelle de France (mariage déjà négocié avec le traité de Montreuil-sur-Mer en 1299) qui va assurer aux Plantagenêts une descendance à la double ascendance. De quoi nourrir involontairement une querelle dynastique à venir dans laquelle le destin aura son mot à dire.
Seul descendant mâle du dernier souverain Capétien direct, Édouard III, en tant que petit-fils de Philippe le Bel, revendiquera la couronne de France. Une demande qui provoque la mise en place de la loi salique afin de protéger le royaume de l'appétit anglais et qui constitue le socle et le casus belli de la Guerre de Cent Ans. Un conflit qui va durer 116 ans et qui prendra fin avec la défaite des Anglais, à Castillon, en 1453.
Cette histoire remarquable, née d'une simple querelle entre marins, dépeint l'incroyable complexité des relations médiévales. Les choix individuels et les incidents en apparence mineurs ont déclenché des événements de grande envergure. La Guerre de Cent Ans, qui a résulté de cette querelle, est un rappel puissant de la façon dont les actions individuelles peuvent façonner le destin des nations.
Par Lucas Michalon