
Henri d'Artois, comte de Chambord : L’ultime espoir de la monarchie française
Henri d'Artois, comte de Chambord, a incarné pendant près d'un siècle l'espoir, puis la désillusion des monarchistes français. Dernière grande figure de la dynastie des Bourbons, celui que ses partisans surnommaient "Henri V" a vu son règne avorter face aux bouleversements politiques du XIXe siècle. Ce personnage complexe, ancré dans les idéaux de l'Ancien Régime, incarne une époque où la France hésitait encore entre tradition monarchique et aspirations républicaines. Retour sur une vie marquée par la querelle dynastique, les espoirs manqués et un héritage controversé.
Des origines royales empreintes de tragédie

Henri d'Artois naît le 29 septembre 1820 au palais des Tuileries, dans une France marquée par la Restauration. Petit-fils du comte d'Artois, futur Charles X, et fils du duc de Berry, Henri appartient à la branche aînée des Bourbons. Sa naissance intervient dans un contexte dramatique : son père, le duc de Berry, est assassiné quelques mois plus tôt, en février 1820, par l'ouvrier Louis Pierre Louvel. La mort du duc de Berry fait d'Henri l'unique espoir de la dynastie bourbonienne pour assurer une descendance.
Henri est immédiatement baptisé comme "l'enfant du miracle", sa naissance ayant ranimé l'espérance des monarchistes légitimistes. Mais les événements politiques vont rapidement mettre en péril cette lignée renaissante.
En 1830, son grand-père Charles X abdique sous la pression des Trois Glorieuses. Avant de quitter le trône, le vieux roi désigne Henri comme son successeur sous le nom d'Henri V. Cependant, le duc d'Orléans, Louis-Philippe, s'impose comme roi des Français, instaurant la monarchie de Juillet et reléguant Henri à l'exil.
Exil et querelle dynastique : un roi sans royaume
Chassé de France avec sa famille, Henri grandit en exil, principalement en Autriche, où il est accueilli par l'empereur François Ier. Son éducation est imprégnée des valeurs de l'Ancien Régime : la foi catholique, la loyauté envers la monarchie absolue et un profond respect des traditions.
Cependant, à mesure que les années passent, la querelle dynastique entre les deux branches de la maison de Bourbon s'envenime. Les légitimistes continuent de considérer Henri comme le seul roi légitime, tandis que les orléanistes, soutenant Louis-Philippe et ses descendants, incarnent une vision plus moderne et libérale de la monarchie.
Le conflit atteint son paroxysme en 1848, lorsque la monarchie de Juillet s'effondre et que la Deuxième République est proclamée. Pour les légitimistes, c'est l'occasion rêvée pour rétablir Henri sur le trône. Cependant, les différences entre légitimistes et orléanistes empêchent toute réconciliation dynastique, affaiblissant ainsi les chances d'une restauration monarchique.
L'épisode de 1871 : l'échec d'une restauration
Après la défaite de la France face à la Prusse en 1870 et la chute du Second Empire de Napoléon III, la question monarchique refait surface. En 1871, l'Assemblée nationale, dominée par les monarchistes, envisage sérieusement de restaurer la monarchie sous la personne d'Henri, comte de Chambord.
Toutefois, une épine majeure se présente : Henri refuse de régner sous le drapeau tricolore, symbole de la Révolution française, et exige le retour du drapeau blanc des Bourbons. Cette position intransigeante le place en opposition avec une grande partie de la classe politique et même avec certains de ses partisans. Les négociations échouent, et la République finit par s'imposer durablement avec l'adoption des lois constitutionnelles de 1875.

Un héritage ambigu
Henri d'Artois meurt en exil le 24 août 1883 au château de Frohsdorf, en Autriche, sans descendance. Sa mort marque la fin de la branche aînée des Bourbons. Les légitimistes transfèrent alors leur allégeance aux Bourbons d'Espagne, descendants de Philippe V, petit-fils de Louis XIV.
L'héritage politique d'Henri reste éminemment divisé. Pour ses partisans, il incarne l'idéal d'une France fidèle à ses racines catholiques et monarchiques, refusant de transiger avec les valeurs révolutionnaires. Pour ses détracteurs, il symbolise un anachronisme, incapable de s'adapter à un monde en pleine mutation.
Une figure historique controversée
Aujourd'hui, le comte de Chambord reste une figure fascinante de l'histoire de France. Ses choix, bien que guidés par des principes fermes, ont contribué à l'échec de la restauration monarchique et à l'ancrage définitif de la République. Pourtant, son attachement à ses convictions et sa fidélité à une certaine vision de la France continuent d'alimenter les débats parmi les historiens et les amateurs de monarchie.
Ainsi, Henri V, le roi qui ne régna jamais, demeure l'un des derniers grands symboles de l'Ancien Régime dans une France déchirée entre tradition et modernité.
Par Enzo Guyot.
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