L'Affaire du Collier de la Reine : Une escroquerie qui a ébranlé la monarchie française

16/02/2025

Parmi les nombreux scandales qui ont marqué la fin de l'Ancien Régime, l'Affaire du Collier de la Reine demeure l'un des plus célèbres et intrigants. Ce scandale, survenu en 1785, mêle ambition, manipulation, et désinformation. Bien que Marie-Antoinette ait été innocente, son image en sortira gravement endommagée, jouant un rôle dans l'effondrement de la monarchie française. Retour sur cette affaire rocambolesque qui a marqué l'Histoire.

Le bijou le plus extravagant de l'époque

Au centre de cette affaire se trouve un collier d'une valeur inestimable. En 1772, les joailliers Boehmer et Bassenge, réputés à la cour de France, créent une parure exceptionnelle, destinée à devenir l'un des bijoux les plus somptueux de l'histoire. Le collier, composé de centaines de diamants étincelants, devait initialement être offert à Madame du Barry, la favorite du roi Louis XV. Mais la mort de ce dernier en 1774 change la donne : le collier demeure invendu.

Son prix astronomique – 1,6 million de livres – représente une somme que même les plus grandes fortunes peinent à réunir. Les joailliers tentent alors de vendre la pièce à Louis XVI pour l'offrir à la reine Marie-Antoinette. Cependant, cette dernière, consciente des difficultés financières du royaume, refuse une telle extravagance, préférant consacrer ces fonds à des projets plus utiles.

Ce refus marque le point de départ d'une arnaque soigneusement orchestrée.

Jeanne de Valois-Saint-Rémy, comtesse de La Motte.
Jeanne de Valois-Saint-Rémy, comtesse de La Motte.

Jeanne de La Motte, une aventurière audacieuse

Le scandale prend forme lorsque Jeanne de La Motte, une femme issue d'une noblesse désargentée, entre en scène. Issue d'une lignée lointainement apparentée aux Valois, Jeanne a grandi dans la pauvreté. Cependant, elle nourrit une ambition sans limite et rêve de richesse et de reconnaissance sociale.

Profitant de l'existence du collier et de la fascination qu'il suscite, Jeanne élabore une escroquerie visant à s'approprier le bijou. Elle cible le cardinal Louis de Rohan, un homme influent de l'Église, ancien ambassadeur à Vienne, et en disgrâce à la cour. Rohan est obsédé par l'idée de regagner les faveurs de la reine Marie-Antoinette, qui le méprise pour ses positions politiques et son rôle trouble à Versailles.

Jeanne convainc le cardinal qu'il peut retrouver la confiance de la reine en agissant comme intermédiaire dans l'achat du collier. Pour rendre son stratagème crédible, elle fabrique de fausses lettres signées au nom de Marie-Antoinette et engage une prostituée ressemblant à la reine pour une rencontre nocturne dans les jardins de Versailles.

Un scandale qui éclate

Rohan, persuadé d'avoir reçu l'accord secret de la reine, accepte de financer l'achat du collier pour elle. Les joailliers Boehmer et Bassenge, rassurés par le prestige de Rohan, remettent la parure à ses intermédiaires. Une fois le collier en leur possession, Jeanne et ses complices, dont son amant Rétaux de Villette, s'empressent de le démembrer et de revendre les diamants à l'étranger.

Cependant, l'arnaque finit par être découverte. Lorsque les joailliers réclament leur paiement directement à la reine, cette dernière nie toute implication dans l'affaire. Louis XVI ordonne alors l'arrestation de Rohan, ce qui marque le début d'un scandale public.

Le procès qui s'ensuit, tenu en 1786, devient un véritable spectacle. Jeanne de La Motte est arrêtée, jugée et condamnée à être fouettée et marquée au fer rouge avant d'être emprisonnée. Le cardinal de Rohan, quant à lui, est acquitté par le Parlement de Paris, un verdict qui est perçu comme une humiliation pour la monarchie.

Marie-Antoinette, victime d'un lynchage médiatique

Bien qu'innocente, Marie-Antoinette sort profondément affaiblie de cette affaire. Déjà critiquée pour son origine autrichienne et ses dépenses perçues comme excessives, la reine devient le bouc émissaire idéal.

Des pamphlets, caricatures et chansons satiriques circulent dans tout le royaume, l'accusant à tort d'avoir voulu s'approprier le collier. Sa réputation, déjà fragile, est détruite par cette campagne de diffamation. Pour une population accablée par les impôts et les difficultés économiques, Marie-Antoinette incarne désormais l'image d'une reine déconnectée des réalités et indifférente à la souffrance de ses sujets.

Ce scandale contribue à creuser un fossé irréversible entre la monarchie et le peuple, alimentant le climat de défiance qui mènera à la Révolution française en 1789.

Un scandale aux répercussions historiques

L'affaire du Collier de la Reine est bien plus qu'une simple escroquerie : elle révèle les failles d'une monarchie déjà fragilisée. En mettant en lumière les intrigues, les ambitions personnelles et les abus de pouvoir au sein de la cour, cette affaire a cristallisé les frustrations populaires à un moment critique de l'histoire.

Le procès, largement médiatisé, a démontré l'incapacité de la monarchie à contrôler son image et à gérer les crises. En choisissant de rendre l'affaire publique, Louis XVI et Marie-Antoinette ont offert à leurs détracteurs une occasion en or de les discréditer davantage.

Reconstitution en zircone du collier de la reine (château de Breteuil).
Reconstitution en zircone du collier de la reine (château de Breteuil).

Une affaire qui fascine toujours

Plus de deux siècles après, l'Affaire du Collier de la Reine continue de captiver. De nombreux écrivains, historiens et cinéastes s'y sont intéressés, voyant dans cette histoire un mélange parfait de mystère, de drame humain et de politique.

Ce scandale illustre non seulement la décadence de l'Ancien Régime, mais aussi les dangers des rumeurs et des manipulations. Il reste un symbole des tensions sociales et des failles de la monarchie, offrant une leçon intemporelle sur le pouvoir et la fragilité des institutions.

L'Affaire du Collier de la Reine, à travers ses multiples dimensions, demeure un sujet d'étude et de fascination pour les amateurs d'Histoire et les curieux de grands récits. Une intrigue où chaque acteur, qu'il soit coupable ou victime, joue sa partition dans un drame qui dépasse les simples murs de Versailles.