Le bal des ardents - Le jour où Charles VI aurait pu mourir brûlé vif !

18/08/2023

La gloire de nos rois n'est pas héréditaire. Quand certains s'illustrent par leur victoire sur les champs de batailles ou leur puissance politique intérieure et extérieure, d'autres marquent l'histoire par leurs extravagante personnalité.

Le 28 janvier 1392, la reine Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, organise un charivari en l'honneur du remariage de l'une de ses demoiselles d'honneur. Le charivari est une sorte de carnaval, un bal masqué. Cet événement festif se déroule sur les bords de Seine, à l'hôtel Saint-Pol, une demeure royale à Paris. Toute la cour est conviée à cet événement, de quoi faire la fête jusqu'au bout de la nuit. À vrai dire, il est de coutume d'organiser des charivaris lors de remariages.

L'écuyer de Charles VI, pour s'amuser un peu plus, émet l'idée de se déguiser en sauvages. C'est ainsi que le roi Charles VI, l'écuyer Hugonin de Guisay et quatre autres comparses (Jean III comte de Joigny, Yvain de Foix, Ogier de Nantouillet et Aymard de Poitiers) se déguisent en sauvages. Pour ce faire, ils vont porter des vêtements de lin, s'enduire de poix ainsi que de poils et de plumes. Pour rendre le déguisement plus crédible, ils portent tous un masque et certains se lient entre eux par des chaînes.

Lorsqu'ils entrent dans la salle, en poussant des cris de loups affamés pour effrayer les invités, Louis 1er d'Orléans, frère cadet du roi, s'approche pour tenter de démasquer l'identité des jeunes garçons. Il entre avec pas moins de 6 torches ! De plus, il est accompagné de son oncle, le duc de Berry, complètement ivre. Il faut dire qu'il a passé une partie de la soirée dans la taverne du coin ! Mais alors qu'il s'approche avec son flambeau, celui-ci met le feu aux costumes. Liés par des chaînes, ils ne parviennent pas à s'extirper de la situation !

La reine Isabeau, ignorant que son époux figure parmi les « sauvages », tombe dans les pommes quand elle découvre le visage de son mari entouré de flammes.


C'est alors que Jeanne de Boulogne, âgée de 14 ans, s'agrippe au roi, pour l'enrouler dans sa robe et dans ses jupons, et ainsi étouffer les flammes. Par chance, il n'était pas enchaîné à ses amis ! Saint-Denis Michel Pintoin, eut ces mots : « Quatre hommes sont brûlés vifs, alors que leurs organes génitaux tombent au sol, générant un fort épanchement de sang ». Un véritable chaos. Le comte de Joigny meurt sur place, tandis qu'Yvan de Foix et Aymard de Poitiers décèdent de leurs blessures deux jours plus tard dans une terrible agonie. L'écuyer du roi survivra trois jours, « en maudissant et insultant ses camarades, les morts comme les vivants jusqu'à son dernier souffle ». Deux survivent : Charles VI et Ogier de Nantouillet. Il réussit à se dégager et à se jeter dans une cuve servant à nettoyer la vaisselle.

Quand le tout Paris apprend la nouvelle, il s'indigne qu'on ait laissé le roi courir un risque aussi dangereux ! Pour rappel, le roi est déjà fragile mentalement. En étant dans un état second, il avait attaqué ses propres troupes, pensant que l'on fomentait contre lui, avant d'être intercepté par le chambellan. Cette folie est tantôt vue comme un châtiment ou bien une manifestation divine, mais aussi comme de la sorcellerie ! Paris devient le théâtre de protestations véhémentes. Pour se faire pardonner, le cadet du roi, le duc d'Orléans, donne de ses propres fonds pour construire la chapelle de l'église de l'ordre de Célestins. Ce que vous ignorez peut-être, c'est que Louis était déjà accusé de sorcellerie ! Quelle sombre époque. Néanmoins, Charles VI lui confie la régence du pays, mais trop jeune, il ne peut se la voir confiée et elle revient à ses oncles, les ducs Jean de Berry et Philippe le Hardy.

Pour l'anecdote, Edgar Alan Poe s'inspire de cet épisode historique dans sa nouvelle Hop-Frog.